Rapport à la commanderie de Paumiers
Doux Frère;
Mon dernier rapport a dû vous alarmer quelque peu. Je vous prie de bien vouloir m'en excuser et tiens à vous rassurer immédiatement. Nous sommes tous en vie et, grâce à Dieu, nous avons triomphé et du mal.
Je vous contais comment nous nous étions retrouvé, lors de notre trajet vers votre commandement, à tenter de résoudre un différend séculaire entre deux seigneurs temporels. Grâce à l'action du Frère Joscelin, nous avions réussi à les persuader de régler leur différend par un duel afin d'épargner la vie des innocents combattants et de mettre un terme définitif à ces rancœurs alors les armées de Saladin approchent. Le fils du seigneur assiégé avait accepté de prendre la place de son père, à condition que nous nous occupions d'empêcher l'action d'une sorcière suspectée, Dame Aïla, nouvelle épouse du seigneur assiégeant. Cette Dame, disait-on, approchait avec de nouveaux renforts. Il nous fallait agir.
Nous nous sommes donc mis en route de bon matin, les Frères Joscelin, Bertrand et Bernard, moi-même et nos écuyers, laissant notre précieuse cargaison sous la garde de nos frères restant sur place. Après une journée de chevauchée sans croiser âme qui vive, nous avons repéré la trace d'une grande chevauchée. Nous l'avons poursuivie et quelle ne fut pas notre surprise de tomber sur une armée entièrement composée de femmes. Peut-être aurez-vous du mal à le croire, mais elles n'étaient pas de nature à être sous-estimées, armées de pied en cap comme elles l'étaient, et portant la traces de nombreux combats.
Elles ne parlaient pas notre langue. Heureusement pour nous, Jean, l'écuyer de Frère Bertrand, comprend l'arabe et put servir d'interprète. Ces dames nous offrirent leur hospitalité et nous pûmes nous reposer et nous restaurer, sans abandonner notre vigilance. Il nous apparut bien vite que nos coutumes et les leurs étaient fort différentes, ce qui ne manqua pas de causer quelques remous ; mais il plut au Très Haut que nous restâmes droits ; ce qui nous permit d'apprendre que nous étions bien dans une troupe au service de Dame Aïla. Ainsi, voilà les renforts qui allaient mettre à mal notre entreprise de pacification des terres chrétiennes en Orient.
Frère Bertrand, Frère Joscelin et moi-même avons donc décidé d'aller à la rencontre de cette dame afin de vérifier les rumeurs qui courent sur elle et, le cas échéant, d'agir afin de restaurer la gloire du Seigneur sur ces terres. La capitaine de l'armée de femmes nous en empêcha cependant et nous revîmes à notre feu. Alors que nous discutions de la marche à suivre et étions proche de recourir à la force, un phénomène magique se produisit, achevant de nous convaincre de la nature impie de ce camp : toutes les étoiles du ciel, brillantes un moment auparavant, s'étaient éteintes ; et la tente de Dame Aïla, que nous avions tous bien vue resplendir de mille feux, s'était évanouie. Ni une ni deux, nous entreprîmes de nous mettre en ordre de bataille. C'est à ce moment que la tente réapparut derrière nous, de nouveau toute illuminée.
Ne daignant pas attendre, Frère Bernard s'y rendit désarmés tendit que Frère Bertrand et moi le suivions, armés mais sans protection. Le Frère Joscelin, à l'arrière, se préparait à intervenir en cas de problème et passait son armure. Nous arrivâmes dans une tente bien plus grande qu'elle le laissait voir de l'extérieur, et plus riche que le plus riche des palais de nos princes d'occident. Nous nous avançâmes pour tomber sur cette fameuse dame Aïla, brûle-t-elle en Enfer. Tous les trois, nous essayâmes d'en apprendre plus, mais sa langue de serpent résistait à toute notre diplomatie. L'intervention du Frère Joscelin, armé de la relique de Saint-Benoit, déclencha le feu divin. Dame Aïla, alors, découvrit sa vraie nature et il nous fallut combattre pour sauver notre vie et mettre un terme à cette existence, insulte à la volonté du Très Haut. Quand nous fûmes vainqueurs - bien que meurtris, les coups qu'avaient essuyés les Frères Joscelin et Bertrand étaient terribles - toute l'illusion se dissipa. Le camp des femmes étaient loin et il n'y avait plus trace de tente riche ni de flammes. Seul un étrange symbole à cinq côtés que je vous reproduit ci-dessous.
Ne voulant rester dans les environs, nous rentrâmes à notre camp à bride abattue. Le lendemain, le duel commença mais, grâce au Seigneur, les deux ennemis d'hier oublièrent leur querelle et, après un combat fantasque, entreprirent de construire l'avenir sur de nouvelles bases.
Nous reprendrons bientôt la route pour Paumiers. J'espère que nous ne prendrons pas plus de retard.
Vôtre en Jésus,
Frère Géraud.